AIR FRANCE : Lettre ouverte à la représentation nationale
Madame, Monsieur,
Nous souhaitons vous alerter sur la possible ratification par la France d’un accord de ciel ouvert avec le Qatar, décidée par la Commission européenne. Nous sommes résolument opposés à cet accord, et pour cause :
– Les impacts sociaux ne peuvent être que négatifs tant en termes d’emplois qu’en termes de conditions d’emplois.
– C’est un accord complètement déséquilibré, très largement favorable aux intérêts qataris. Les opportunités de marché au Qatar sont nettement inférieures à celles qu’offre le marché français. Il n’y a aucune comparaison possible. Et si nous devons pousser cette comparaison à l’Europe entière, l’argument du déséquilibre est incontestable !
– La mise en concurrence déloyale de compagnies françaises avec une compagnie largement subventionnée en tout temps et appliquant des conditions sociales rétrogrades est une ineptie politique, économique et sociale.
– Alors que l’aide de 3 milliards de l’État français s’est traduite par des contraintes économiques et environnementales pour Air France (restitutions de créneaux à Orly, fermeture des lignes vers Orly depuis Bordeaux, Nantes et Lyon…) Qatar Airways a perçu tout récemment 2,5 milliards de l’État qatari sans aucune contrepartie. Mieux, elle se voit désormais offrir les marchés français et européen.
– Les compagnies aériennes françaises et particulièrement Air France contribuent largement à la richesse du pays. Elles irriguent le tissu économico-social. La destruction certaine d’emplois directs et indirects, la captation des flux de passagers depuis les provinces françaises et européennes au profit du HUB de Doha, ce sont autant de transferts qui affecteront le PIB, les recettes, taxes et redevances perçues.
– C’est au moment où les compagnies françaises traversent la plus grave crise économique de leur histoire centenaire que l’Europe, sur proposition française, décide d’ouvrir le ciel européen à une concurrence déloyale qui se révèlera à terme mortifère. Ce possible accord viendrait compliquer les tentatives de redressement déjà douloureuses en matière d’emploi et d’activité.
Au moment même où plusieurs observateurs posent la question de la survie d’Air France, où l’État français signe des chèques pour sauver son industrie du transport aérien français, comment comprendre cette position schizophrénique ?
L’État français doit trancher en faveur du pavillon France et de ses salariés et non d’un concurrent déloyal étranger.
L’État français se doit de préserver le premier marché intérieur européen qui est le sien et non l’offrir en pâture sous d’obscures prétextes géoéconomiques (mégas commandes d’avions de ligne en échange d’un marché intérieur, investissement dans des entreprises européennes…).
Certains vont jusqu’à prétendre que cet accord exportera notre modèle social au Qatar et permettra d’obtenir des garanties de transparence économico-financière. Nous pensons que ces derniers sont au mieux de doux rêveurs, au pire des conseillers malveillants !
Cela n’aura pour seules conséquences que de nous priver de nos débouchés commerciaux naturels, de recettes financières, d’investissements dans des flottes plus modernes, plus économes et écologiquement plus vertueuses, de mettre la pression sur nos conditions de travail et de rémunération et, au final, de déclencher d’intenses luttes sociales.
C’est pour toutes ces raisons que les signataires de ce courrier vous demandent de soutenir activement notre démarche et de combattre dès à présent ce projet inepte, incohérent et destructeur, en interpellant ouvertement le gouvernement français.
Recevez, Madame, Monsieur, nos sincères salutations.
Représentants des personnels
des compagnies aériennes françaises